J’ai commencé à voyager en Chine en 1992 à une époque où il était impératif d’être accompagné par un « agent local » chargé de surveiller que nous n’avions pas de contact avec la population, que nous ne nous égarions pas trop dans les rues et que nous dépensions bien toutes les devises réservées aux étrangers dans des « magasins de l’amitié ». La Chine s’ouvrait à peine, et cohabitaient la Chine éternelle, celle que les touristes veulent trouver encore aujourd’hui, et un empire en (re) devenir qui s’annonçait. J’y ai voyagé autant que je le pouvais, partout où je le pouvais, jusqu’à ce que la pandémie me stoppe. Mon voyage prévu au Sichuan pour le printemps 2020 est encore sur pause… et j’attends avec impatience de pouvoir y retrouver ce mélange unique de traditions et modernité, d’arrangements entre un passé que l’on aime à remagnifier et un futur grandiose, toujours grandiose, même s’il peut être de mauvais goût, dangereux et parfois effrayant, et de revoir les villes et villages contrastés et une nature singulière. Malgré les dérives d’un régime de plus en plus autoritaire.
La Chine (les Chines tant elle est diverse) m’a toujours parlé au cœur. Je peux me perdre dans les calmes villes lacustres du delta du Yangzi, comme au milieu de la foule bruyante des touristes chinois où je ressors du paysage comme le nez au milieu de la figure, ou dans un village du Yunnan qui semble être dans un espace-temps qui lui appartient, avec une cohabitation de télévisions criardes, portables et motos pétaradantes, et de rizières cultivées de la même manière depuis la nuit des temps, de gens en costumes traditionnels dans leur maison en bois où nos antiquaires se damneraient, avec autant d’émotion et d’émerveillement qu’au premier jour. Retrouver la brume des Monts Jaunes, les Huang Shan, immortalisés par les peintres depuis toujours et, plus proche de nous, par Marc Riboud, me procure autant d’émotion que l’année où je les ai descendus à pied par une série de marches pendant plusieurs heures, même si je leur préfère le téléphérique à présent.
La Chine c’est le contraste permanent. L’hyper moderne et la ruralité, le kitsch et l’élégance, les odeurs et les bruits, la foule et la zénitude des jardins, la longue histoire des lettrés et des peintres. Si le vert et le rouge cinabre sont très présents, c’est sans conteste le noir et blanc qui se prête le mieux à essayer de la raconter un peu. Esquisse en 20 clichés.
Exposition privée dans les locaux du cabinet d’avocats Hoyng Rokh Monegier.